Janvier 1986, la neige avait envahi les rues de Lille et c'est avec bien des difficultés que les Pizziterri avaient pu se frayer un chemin jusqu'à l’hôpital, la mère manquant d'accoucher sur le chemin. L'avantage, c'est qu'à peine arrivée à l'hôpital, il avait fallu moins de deux heures à la jeune femme pour accoucher de sa fille, la petite Stefania.

S'il n'y a pas grand chose de notable à raconter sur elle pendant son enfance, il en est bien différent à partir de l'adolescence. La jeunette commença à s'intéresser de plus en plus à la nature, au point de devenir l'une des plus jeunes militantes dans les associations impliquées dans la sauvegarde, telles que Greenpeace, mais également les associations de commerce équitable comme Oxfam Solidarité et bien d'autres, affectée qu'elle était par la manie des humains à détruire leur planète-mère au risque de leur propre santé. Elle en tira rapidement un petit côté hippie qui avait le don d'exaspérer ses parents et sa jeune soeur, plus inspirée par la mode que par ces "foutaises d'écolo" comme elle le disait si bien.

C'est lors d'une action de nettoyage suite à une marée noire que la jeune adolescente, à peine âgée de 16 ans, rencontra un jeune homme qui semblait avoir les mêmes aspirations qu'elle, Paolo Siguarante. Cette idylle était loin de plaire au père de Stefania, qui souhaitait trouver un mari à sa fille à la façon italienne et qui souhaitait lui "mettre un peu de plomb dans la tête" en l'envoyant dans leur famille en Italie. C'était sans compter le petit ami plus que possessif qui la voulait pour lui seul.

Une après-midi, en rentrant des cours, quelle ne fût pas la surprise de la hippie en retrouvant son copain penché sur le corps exsangue de ses parents et de sa jeune sœur, le couteau encore planté dans le ventre de cette dernière. D’abord apeurée, ensuite terrorisée, Stefania ne put que s'enfuir, la peur au ventre, les larmes aux yeux et la tête pleine d'incompréhensions. N'hésitant pas, elle partit immédiatement le plus loin possible de cette ville et se rendit en Italie, sa deuxième patrie et trouva refuge auprès du Père Castellino qui eut l'amabilité de ne pas lui poser de questions sur ce qu'il pensait être une simple fugue. Elle n'avait même pas eu le courage de prévenir la police et redoutait plus que tout d'être recherchée par la police ou d'être accusée de ces meurtres, mais elle ne pouvait se décider à faire un pas en ce sens.

La peur toujours au ventre, la hippie commença à s'entrainer durement et devint de plus en plus sportive, sans arrêter pour autant de s'impliquer dans la sauvegarde de la planète bien qu'elle ne le fasse plus que de façon ponctuelle et anonyme, davantage au jour le jour que sur le terrain, prônant le recyclage ou l'achat de denrées de commerce équitable. En plus d'un apprentissage basique de nombreux sports actuels, elle apprit le tir à l'arc et l'escrime, ce qui l'amena à participer à des reconstitutions médiévales, au GN et à des démonstrations diverses. Mais elle ne choisit pas d'en faire son métier, trop intriguée par la nature des hommes que pour laisser le mystique de côté sans vouloir en apprendre davantage. Elle interrogea longuement le Père et choisit alors de se tourner vers les livres pour devenir libraire généraliste et entreprit des études en ce sens, aidée par le bienveillant Père.

Le temps passait et elle évoluait dans ses études de gestion et dans la connaissance des livres, études qui lui laissaient pas mal de temps pour approfondir sa curiosité personnelle dans l'ésotérique, le mystique et l'occulte, mais également dans les techniques de méditation et dans les différentes religions, retirant une préférence pour les religions orientales, plus libertaires à ses yeux, tout cela sans comprendre davantage ce qui avait bien pu passer dans l'esprit de Paolo pour s'en prendre aux siens. Chaque pensée envers ce fou lui donnait la nausée, peu importe le temps qui passait et la vision des trois corps étendus dans une mare de sang restait gravée dans son esprit.

Ses études terminées, non sans quelques difficultés avec l'informatique et les programmes qu'elle était sensée pouvoir utiliser mais ne parvenait pas à mettre en pratique, le Père Castellino lui proposa d'ouvrir une petite librairie religieuse appartenant à sa paroisse dans le quartier de Castello et dont elle serait l'unique gérante. Cela lui permettrait de se lancer dans la vie réelle et de ne plus vivre au crochet de l'Eglise La jeune fille accepta bien volontiers et promit de rembourser petit à petit la paroisse et le Père pour tout ce qu'ils avaient fait pour elle, cachant son inquiétude sur cette soudaine indépendance qu'elle allait devoir apprendre à gérer. Elle ouvrit donc la libraire religieuse du lundi au samedi de 9h30 à 18h00 et s'installa dans un petit deux pièces au-dessus de celle-ci, au milieu des livres qui ne pouvaient être rangés dans la réserve, réorganisant son temps pour se maintenir en forme en courant ou nageant une demie heure chaque matin et en s'entrainant en soirée et lors de ses congés, les reconstitutions étant réservées aux périodes estivales.

C'est ainsi qu'elle débutait à peine dans la vie, solitaire et paumée mais soutenue par le religieux ...